Penser les mobilisations et mouvements comme réponses à la démocratie en crise

1. Profondeur et complexité de la crise démocratique

La démocratie se caractérise par la capacité de ses processus à assurer à toutes et tous l’accès effectif aux droits économiques, sociaux et environnementaux, et pas seulement aux droits civils et politiques. Dans les pays développés, depuis des décennies, la crise démocratique s’est approfondit à mesure que s’accentuait la domination d’un capitalisme financier réduisant continument la part de la richesse produite qui rémunère le travail. Les politiques néolibérales remettent en cause l’accès universel aux biens collectifs et aux sécurités assurées par la protection sociale. Pour vaincre les résistances à chacune des attaques, les gouvernements adossent la réalisation de leurs objectifs politiques à une utilisation brutale et autoritaire des institutions.

La situation française illustre bien ce mécanisme. Lors du récent report de l’âge de retraite, une politique régressive pour l’accès aux droits s’est doublée d’une utilisation brutale des outils institutionnels et policiers, bien que les choix des autorités politiques soient clairement apparues comme doublement illégitimes : la rémunération du travail va être réduite sans justifications économiques et financières, tandis que des processus institutionnels qui n’ont pas été pensés pour cela ont été mobilisés et dévoyés pour une utilisation brutale à l’égard de la mobilisation sociale. De même lors de la Convention citoyenne pour le Climat des citoyen.es tiré.es au sort, informé.es par une expertise diversifiée, ont mené une réflexion collective riche et concrète pour in fine se heurter au mur d’un rejet autoritaire de leurs propositions par le Président de la République, rejet favorisé par l’absence de cadre légal pour traiter les propositions des conventions citoyennes. À chaque fois, la régression/non-progression des droits sociaux, économiques et environnementaux s’accompagne d’un double blocage : politique ; avec des mesures imposées ; institutionnel, avec des processus étouffant la délibération démocratique.

Or, lorsque les processus démocratiques n’assurent pas, pour une part importante de la population, l’accès effectif aux sécurités économiques et sociales, cela se traduit d’abord par l’abstention aux élections, puis par l’émergence d’offres politiques affirmant qu’exclure de l’accès aux droits humains les immigrés, les étrangers, les « différents », … permettrait d’en garantir l’accès aux autres, ceux/celles nommé.es alors, de façon imagée, « de souche ». Ainsi, comme « solution » aux régressions qui accompagnent le capitalisme financier mondialisé, les droites extrêmes prônent une société de mise en compétition des droits des personnes vulnérables avec ceux des plus vulnérables encore. La perspective d’une arrivée au pouvoir de l’extrême droite illustre la profondeur de la crise démocratique avec le risque au présent d’une société construite autour de l’obsession des exclusions.

2. Mobilisations et mouvements sociaux qui construisent une perspective démocratique

La crise démocratique qui s’est développée au fil des dernières décennies agrège ainsi aujourd’hui plusieurs facettes qui nécessitent, chacune, des réponses adaptées. Cela se traduit dans la diversité des objectifs des mobilisations et mouvements.

Une société inclusive, égalitaire, solidaire, assurant les sécurités nécessaires à chacune et chacun, nécessite des réponses aux deux faces de destruction de la démocratie : d’une part, contre les régressions des politiques sociales, économiques, environnementales qu’induisent la financiarisation et la mondialisation, d’autre part contre les offres politiques basées sur des identités qui excluent.

Les mobilisations et les mouvements sociaux sont essentiels pour construire une alternative démocratique. L’actualité permet d’illustrer cela au travers de trois exemples :

  • Avec la mobilisation contre la réforme des retraites, on voit comment une unité syndicale reposant sur un objectif commun et sur une volonté politique forte permet de créer un rapport de force qui soutient l’aspiration démocratique.
  • Avec la Convention citoyenne pour le Climat, l’aspiration démocratique se traduit par la volonté de s’approprier les enjeux en s’appuyant sur les savoirs diversifiés des experts, le débat collectif, l’écoute des différences et in fine sur l’adoption de propositions répondant à la complexité des situations.
  • En Italie, avec l’accueil des migrant.e.s organisé autour de la mobilisation des grandes associations laïques et chrétiennes, on voit comment en pratique est portée l’aspiration d’une société inclusive, solidaire et démocratique, contre les politiques d’exclusion de l’extrême-droite.

3. Partenaires dans le champ politique et les institutions pour répondre à la crise démocratique ?

En conclusion, sera posée la question des pendants, dans le champ politique et dans celui des institutions, de ce que les mouvements sociaux portent aujourd’hui dans nos sociétés : objectifs traduisant l’accès aux droits pour toutes et tous, solidarités, sociétés inclusives, construction des convergences, respect des différences, prise en compte des complexités … comme réponses cohérentes et convaincantes aux facteurs qui ont mis en crise la démocratie.

Porteurs d'activités

  • Ligue des Droits de l’Homme (LDH)
  • Sciences Citoyennes

Intervenant⋅e⋅s

Premier temps :
 Albena Azmanova – Université de Kent – Inégalités/précarités comme destructeurs de démocratie
 Giada Negri – Forum Civique Européen – Rétrécissements de l’espace civique en France à mettre en regard de ce qui se passe en Europe

Second temps :
 Simon Duteil (Solidaires), Benoit Teste (FSU), en attente (CGT) – Unité syndicale et diversités d’approches – Construire les rapports de forces – l’agenda démocratie
 Jacques Testart – Sciences citoyennes – Convention citoyenne sur le Climat : engagement citoyen, déni d’écoute
 Anna Bucca – ARCI – L’accueil des migrants par les associations incarnant notre vision de la société – effet sur la sphère politique en Italie.

Troisième temps :

 Elzbieta Koroczuk (Pologne), en attente (Croatie), pour parler des liens entre mobilisations et contenus des propositions dans la sphère politique dans leurs pays.

Méthodes d'animation

Les émissions de TV bruits de l’UEMS 2023

Retrouvez ici toutes les vidéos des plateaux de TV bruits diffusés durant l’université des mouvements sociaux et des solidarités 2023.

Contact

Presse

Demandes d’interviews, programme des événements : pour toute information destinée à la presse, contactez le service de presse de l’Université d’été :
presse@uemss.org